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Le Dundee Cake, une part de l'âme écossaise

Remonter aux origines de ce gâteau traditionnel écossais n’est pas chose aisée car on ne possède qu’un fragment de légende du XVIe siècle et quelques faits réels du… début du XIXe siècle. Il faut donc relier les deux époques. La légende a trait à Mary Stuart, reine d’Ecosse. On raconte que « n’appréciant pas les cerises confites dans la pâtisserie de son cuisinier, celui-ci les remplaça par des amandes » – des amandes broyées pour l’intérieur et des amandes blanchies pour dessiner une double couronne sur le dessus, en hommage à sa double reine – l’amande, typiquement méditerranéenne, étant depuis la nuit des temps symbole de bonheur et de fertilité. C’est tout ; mais il y a déjà un lien entre le gâteau, Mary, et l’Écosse.

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Marie (1542-1587) à l'âge de 16 ans par François Clouet.

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Catherine de Médicis (1519-1589), miniature d'après un dessin de François Clouet.

 

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Un Dundee Cake traditionnel.

Un peu d’histoire

14 août 1561, Marie, reine de France, jeune veuve du roi François II, quitte définitivement son Royaume pour rentrer en Écosse. Née et redevenant Mary Stuart, elle vient prendre possession du trône d’Ecosse qui lui revient de droit car elle avait été déclarée reine, le 14 décembre 1542, six jours après la mort de son père Jacques V. Elle n’était qu’un nourrisson. La gestion du royaume ayant été confiée à des régents, tels sa mère, Marie de Guise, puis un de ses cousins après le décès de celle-ci, on l’envoya grandir en France, à l’âge de six ans à la cour des Valois. Marie de Guise ayant choisi de privilégier l'alliance du royaume d'Écosse avec la France catholique, la fameuse Auld Alliance. Aussi, en 1548,  Mary Stuart, promise en mariage au dauphin François, est-elle élevée à la française, avec les enfants du roi Henri II et de son épouse Catherine de Médicis. Elle acquiert donc les manières et les goûts français mais aussi… italiens.

En effet,  Catherine la florentine qui aimait la bonne chère et les mets délicats, venue d'Italie en 1533 pour épouser le dauphin Henri, se fit accompagner « d’une ribambelle de cuisiniers, confiseurs et pâtissiers qui enseignent aux rustres français l'art du raffinement de la table »* et qui donneront rapidement naissance à la gastronomie française. Ainsi introduisit-elle à la cour de France des légumes inconnus jusque là mais aussi une large palette de produits sucrés comme les macarons, les sorbets tutti frutti, la frangipane, les gelées de fruits, les marrons glacés et la fameuse brioche de Noël de tradition médiévale : le panettone. Confectionné avec de la farine de blé, de la levure, des œufs, du beurre, des raisins secs et divers fruits confits, il contient tous les éléments de base qui constitueront le nourrissant… Dundee Cake. Ce qui les différencie : la proportion de raisins secs.

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Grains de muscat séchés.

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Sultanines, raisins secs dorés sans pépins.

L’épopée des raisins secs, regard vers le passé   

Connus et appréciés depuis la plus haute Antiquité, ils furent « découverts » par les habitants des contrées septentrionales à l’époque des croisades, dès la fin du XIe siècle. La conquête de Constantinople et de la Terre Sainte permirent une expansion massive du commerce de la région, puis aux siècles suivants, aux  Anglais de développer des alliances avec les Grecs, de s’installer dans les îles ioniennes pour organiser eux-mêmes le commerce du raisin sec vers l’Angleterre et les pays du Nord, de s’associer aux très dynamiques Vénitiens et de se montrer indispensables à l’économie méditerranéenne. Certains ports connurent ainsi un enrichissement fulgurant, les raisins secs et les vins constituant un des plus importants volumes de marchandises échangées avec la Grande-Bretagne.

L’engouement des Anglais, des Écossais et des Irlandais pour les raisins secs ne s’est jamais démenti puisqu’ils en sont encore de nos jours les premiers consommateurs européens**, dans les trois catégories : celle qu’ils nomment « raisins », issus du muscat, séchés naturellement sur la vigne ; celle qu’ils nomment « sultanas » raisins dorés sans pépins, séchés à la chaleur artificielle qui laisse le fruit moelleux et légèrement acidulé et enfin celle appelée « currants » (altération de Corinthe) : noirs, très petits, sans pépins et au goût intense mais doux. Les habitants de ces pays prirent l’habitude d’en agrémenter leurs pâtisseries – ce qui permet d’économiser le sucre – comme les scones, les buns, les cakes régionaux et bien sûr les puddings. Rien que pour un pudding de Noël pour six personnes il faut compter quasiment 500 g de raisins secs !

Minuscule par sa taille, immense par ses bienfaits   

Ce fruit modeste qui fut donc une belle découverte est un concentré rare d’énergie et de nutriments indispensables à la santé. Un trésor à lui seul qui renferme 70% de fructose ; des oligoéléments : fer, cuivre, manganèse et potassium ; des vitamines du groupe B ; des isoflavones, éléments nécessaires au système sanguin ; des antioxydants, pour la vue et le cerveau ; des acides aminés pour la libido ; de l’acide oléanolique pour les dents ; de la catéchine pour l’appareil cardio-vasculaire et, bien sûr, des fibres douces pour les intestins. Les pays du Nord qui ne possèdent pas naturellement de vignes, et peu d’ensoleillement et d’arbres fruitiers, ne s’y sont pas trompés.

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Un pot de marmelade Dundee de la maison James Keiller et fils.

Photo : Grace's Guide to British Industrial History

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Livre de recettes anglais, La maîtresse de maison accomplie (1750, 14éd.).

Début du XIXe siècle à Dundee

Ville au nord est de l’Écosse, Dundee est à 100 km d’Edimbourg, sur l’estuaire de la Tay. Janet Keiller, à la tête d’une petite manufacture de marmelade d’oranges amères – créée en 1797, qui deviendra Keillers, marque emblématique des spécialités écossaises – y met au point et commercialise avec son fils James ce qu’ils baptiseront le Dundee cake. Ils n’inventèrent pas la recette ; elle était devenue classique auprès des familles aristocratiques – tout le monde ne pouvant pas s’offrir de la farine de blé (on ne cultivait que l’orge et l’avoine), des fruits confits, des amandes, du sucre de canne et des raisins, produits d’importation inabordables. Devenue classique, mais comment ? Il faut donc se pencher sur un phénomène insoupçonné : l’édition à succès dès la fin du XVe siècle, en Grande-Bretagne, de livres de cuisine, confiserie, conserve et distillation et même d’économie ménagère et de diététique. Souvent écrits par des femmes et provenant de recueils familiaux appartenant à l’aristocratie, à la gentry, mais aussi à l’entourage royal, ce que les imprimeurs utilisaient comme argument de vente. Certains de ces recueils furent des best-sellers et réimprimés de nombreuses fois. Il en existait déjà sous Elisabeth Ire et même quelques-uns à la fin du Moyen Âge.  Au cours des siècles, les recettes de cuisine ne sont jamais perdues pour tout le monde ! Plus tard, ces ouvrages furent rédigés par des cuisiniers accomplis, se considérant comme des artistes et souvent formés et inspirés par… les Français au XVIIe siècle qui avaient eux-mêmes assimilé les enseignements des Italiens. Ainsi Robert May cuisinier formé en France qui travailla auprès de grandes familles très riches et écrivit Le cuisinier accompli, demeurant la bible de maintes maîtresses de maison. Janet et James firent ainsi preuve d’un sens de l’opportunité peu commun en industrialisant cette pâtisserie dans laquelle ils pouvaient insérer leur surplus d’écorces d’oranges amères et qui put être envoyée et appréciée aux quatre coins du royaume.

Dundeecake

Dundee Cake.

Photo : Dundee One City Many Discoveries.

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Recette d’aujourd’hui (proposée par le jury du concours annuel du Dundee Flower and Food Festival qui récompense chaque année la meilleure réalisation)

Ingrédients nécessaires pour 6 personnes : 225 g de farine tamisée ; 170 g de beurre salé ; 140 g de sucre de canne ; 45 g d’écorces d’orange amère très fines ; 300 g de raisins de Corinthe ; 150 g de sultanines (de Smyrne) ; 4 œufs de plein air ; deux cuillères à soupe d’amandes broyées ; une cuillère à café de levure ; un zeste d’orange douce finement râpé ; le jus d’un citron pour la conservation, une quarantaine d’amandes blanchies pour la décoration et une pincée de… magie personnelle. On notera qu’il n’y a pas de fruits confits.

Confection et cuisson : – Préchauffer le four à 170° – Mélanger le sucre et le beurre dans une jatte ; quand l’ensemble est crémeux y ajouter les œufs un à un délicatement ainsi que la farine par petites touches, la levure et le zeste d’orange râpé, sans cesser de remuer – Quand le mélange est consistant ajouter les amandes broyées, le jus du citron, les raisins et les écorces d’orange avec précaution afin qu’ils se répartissent régulièrement.

Beurrer un moule à cake rond en métal de 20 cm de diamètre ; y verser la préparation, aplatir le dessus et protéger par du papier sulfurisé. Enfourner pour 2 heures ; à mi-cuisson disposer les amandes blanchies en deux cercles concentriques sur le dessus la pointe vers le haut et ré-enfourner. Avant la fin des 2 h insérer la pointe d’un couteau, si elle est humide, laisser encore quelques minutes. 5 minutes avant la fin de la cuisson badigeonner le dessus avec du lait très sucré afin de créer un glaçage. Retirer du four et laisser refroidir un quart d’heure avant de démouler sur une grille.

Indiscrétion royale : il semblerait que la reine Elisabeth (la nôtre) apprécie particulièrement le Dundee cake à l’heure du thé. Mais nul ne nous livrera le secret du chef de Buckingham.

Distillerielaphroaig

Les alambics de la distillerie de Laphroaig.

Pour les becs fins qui apprécient les arômes puissants : ajouter à la préparation 3 bonnes cuillerées de Single Malt Scotch Whisky***, une des glorieuses spécificités de l’identité écossaise.

Qu’est-ce que le Single Malt ? C’est un whisky élaboré exclusivement en Écosse et dont la haute qualité de tous les ingrédients et du process  est primordiale et… contrôlée. Il doit être issu d’une unique distillerie, à partir d’une seule sorte d’orge pour le maltage, condition pour bénéficier de l’Indication Géographique. L’eau qui va favoriser la germination de l’orge doit être d’une grande pureté et avoir cheminé dans les granites et les tourbières, d’où l’implantation depuis toujours des distilleries dans les montagnes près de sources. La levure – qui sert à transformer le sucre de la céréale en alcool – doit être aussi de première qualité. La distillation qui doit être double (ou triple selon les distilleries) doit s’effectuer dans des alambics de cuivre, qui vont ainsi forger le caractère du futur whisky. Ce dernier doit être élevé et vieilli obligatoirement dans des fûts de chêne n’excédant pas 700 litres, pendant un minimum de trois ans pour développer la palette aromatique et chromatique qui constituera  la personnalité du Single Malt, comme par exemple celui de la distillerie de Laphroaig deux fois centenaire dont le whisky très tourbé est le plus parfumé au monde.

Delphine d'Alleur

 

NOTES

* www.culture.uliege.be/sciences et découvertes.

** Un million deux cent mille quintaux en 2007.

*** À consommer avec modération.

 

BIBLIO- et SITOGRAPHIE

- FUSARO Maria, « Les Anglais et les Grecs. Un réseau de coopération commerciale en Méditerranée vénitienne », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/3 (58e année), p. 605-625. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-2003-3-page-605.htm

- LECOMTE Jules, Venise ou Coup d'œil littéraireartistiquehistorique, poétique, Paris, H. Souverain éditeur, 1844

- LEHMANN Gilly « Le livre de cuisine en Angleterre aux XVIIe et XVIIIe siècles : par qui, pour qui ?. » In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°48, 1999. pp. 89-102.

- dundee.com - Remerciements à Jennie Patterson.

- The Spruce Eats.com/the food and cooking in Scotland

- Dundee City Archive & Record Centre – Remerciements à Sarah Aitkin.

- pageshalal.fr/ les raisins secs, à quoi servent-ils ?

- La Maison du whisky – whisky.fr

 

Sauf mention spéciale, les illustrations proviennent de Wikimedia.

Commentaires (1)

Rosie
  • 1. Rosie | 21/09/2019
Bonjour et merci pour ce dessert traditionnel et toutes ces informations que je lierais demain à tête reposée.

Beau week end ensoleillé.

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