Traumatismes de guerre
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- Le 14/03/2018
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Si la Seconde Guerre mondiale a été décisive dans la volonté de créer une communauté et un projet européens, d’autres conflits plus anciens hantent encore notre imaginaire et nos littératures. Ainsi de la guerre de Cent ans (1337-1453, matrice des États anglais et français) ; des guerres de religions et de la guerre de Trente ans (1618-1648) ; des guerres napoléoniennes et, bien sûr, de la Grande Guerre… En quoi ces épisodes dramatiques de l’histoire européenne nourrissent-ils nos interrogations contemporaines ?
François Dubois (1529-1584), Le Massacre de la Saint-Barthélémy, œuvre réalisée vers 1576.
Hugo Grotius (1583-1645)
La guerre de Trente ans et l’avènement d’un premier droit international
Événement relativement peu connu du grand public, la guerre qui a déchiré l’Europe entre 1618 et 1648 a sans doute été l’une des plus meurtrières de toute l’histoire du continent : les estimations de la mortalité globale sur cette période oscillent entre 4 et 12 millions, soit env. 20% de la population européenne de l’époque (par comparaison, la guerre de 1914–1918 amena à une baisse de 5% de la population, en incluant les suites de l’épidémie de grippe espagnole). Mais qui s’en souvient aujourd'hui ? Qui en a tiré les leçons ? Seule conséquence positive de cet épouvantable conflit : les traités de paix qui y ont mis fin (traités dit « de Westphalie », en 1648). Ces traités inaugurent un premier droit de la guerre dont les Conventions de Genève (1864-1949) et leurs compléments (protocoles additionnels de 1977 et 2005) sont les héritiers.
Parmi les précurseurs de ce « système westphaiien » se détache une figure importante : le juriste et philosophe néerlandais Hugo Grotius (1583-1645), auteur d’un Traité du droit de la guerre et de la paix (De Jure Belli ac Pacis, 1625). À la suite de ses réflexions, on va prendre l’habitude de distinguer trois principaux aspects juridiques :
Le Jus ad bellum (droit à la guerre) : la guerre doit être déclarée en dernier recours, menée pour une cause légitime, en utilisant des moyens proportionnés aux objectifs (soumettre les forces ennemies) et avec un espoir raisonnable de succès. Elle est l’apanage de l’État.
Le Jus in bello (droit dans la guerre) : il a pour but de limiter les souffrances causées par le conflit en assurant, autant que possible, protection et assistance aux victimes. Il traite de la réalité d’un conflit sans considération des motifs ou de la légalité d’un recours à la force. Il en réglemente uniquement les aspects humanitaires.
Le Jus post bellum (droit à la sortie de la guerre) : la guerre ne peut être éternelle, on doit toujours pouvoir négocier une trêve ou un arrêt final des hostilités.
Le système westphalien désigne l'État comme forme privilégiée d'organisation politique des sociétés. Il inaugure les relations interétatiques modernes fondées sur trois principes : a) la souveraineté externe (aucun État ne reconnaît d'autorité au-dessus de lui et tout État reconnaît tout autre État comme son égal) b) la souveraineté interne (tout État dispose de l'autorité exclusive sur son territoire et la population qui s'y trouve et aucun État ne s'immisce dans les affaires internes d'un autre État) et de l'équilibre des puissances (aucun État ne doit disposer des forces lui permettant de s'imposer à l'ensemble des autres États et tout État s'efforce à ce qu'aucun autre État ne parvienne à l'hégémonie). (Dictionnaire des relations internationales. Dalloz).
Carl von Clausewitz (1780-1831)
La guerre, prolongement de la politique par d’autres moyens ?
Deux siècles après les conflits de la guerre de Trente ans, le général et stratège prussien Claus von Clausewitz (1780-1831) rédige un célèbre traité sur l’art de la guerre (De la Guerre, 1830). Témoin des guerres napoléoniennes et de la défaite allemande de Iéna en 1806, Clausewitz élabore une nouvelle approche de la stratégie militaire, encore reconnue de nos jours pour la richesse de ses observations. Voulant rompre avec les vues trop historiques ou théoriques de ses prédécesseurs, il développe des considérations à la fois générales et pragmatiques. C’est en pur militaire qu’il traite de la guerre, qu’il n’hésite pas à comparer à un « jeu de hasard ». Selon lui, la guerre est un véritable caméléon, qui change de nature selon chaque cas particulier. Elle est composée d’une étonnante « trinité »: a) une violence naturelle faite de haine et d’hostilité (qui serait le propre des peuples) ; b) un jeu de probabilités et de hasard (dont la réussite dépend du génie du stratège) ; c) une nature d’instrument politique, subordonné à l’intelligence de l’État.
Cette conception du conflit guerrier comme instrument ou « prolongement » de la politique « par d’autres moyens » a largement contribué à la célébrité de son auteur mais demeure ambiguë : selon une lecture optimiste, elle semble se situer dans l’héritage du droit instauré par les traités de Westphalie, autrement dit d’une conception rationnelle de la guerre, faite de conflits géographiquement limités, décisifs, aboutissant rapidement à un nouvel équilibre des forces et à des traités de paix.
Clausewitz envisage bien la possibilité d'une guerre « absolue », dont la violence ne serait limitée par aucun droit et pourrait logiquement « monter aux extrêmes » (et conduire à un anéantissement sans merci), mais il en écarte l'éventualité en raison des moyens de combat et des institutions des États de son temps. Malheureusement, le développement des moyens de combat aux XXe et XXIe siècles (bombardements, armes chimiques, nucléaires, etc.) incite à une lecture plus pessimiste, montrant que la guerre « civilisée » défendue par Clausewitz peut déboucher sur la barbarie la plus complète. Par ailleurs, la volonté de subordonner l’action militaire à celle de l’État (ou du politique) paraît insuffisante sans une définition préalable du système politique. Que deviendrait cette subordination de l’armée dans un régime confisqué par... des militaires ?
Pablo Picasso, Guernica (1937). Reproduction murale (en carreaux de faïence) du tableau dans la ville espagnole de Guernica.
Affiche de la « Légion des volontaires français contre le bolchevisme » (LVF), organisation militaire fondée en 1941, réunissant les Français volontaires pour se battre en URSS dans les rangs et sous l'uniforme allemands.
La guerre civile, pierre d’achoppement du système westphalien ?
Le monopole de la violence théoriquement réservé aux relations inter-étatiques par le système westphalien ne suffit malheureusement pas à prévenir les débordements et les exactions dont les populations sont désormais les premières victimes. Les guerres civiles en Espagne et, plus récemment, en ex-Yougoslavie en sont de sinistres exemples. Dans quelle mesure le « droit de la guerre » peut-il être invoqué et respecté du moment où un gouvernement décide lui-même d’opprimer une part de sa population au nom de « l’ordre social » ? Quelle est la différence entre une opération de police (censée dissiper une émeute ou une manifestation violente) et une opération militaire (censée s’opposer à un coup d’État ou à une tentative de révolution) ? Quelle est la différence entre un confit armé et un crime de masse ? C’est toute la question du « combat légitime » qui est ici en jeu.
Le juriste et philosophe allemand Carl Schmitt (1888-1985), bien que décrié pour ses accointances avec le nazisme, a développé à ce sujet des réflexions encore largement reconnues et commentées. Il a été parmi les premiers à réfléchir sur le statut du « partisan ». Il fait ainsi observer que le partisan n'est pas de prime abord reconnaissable en tant que combattant régulier : il ne porte pas d'uniforme, il élude consciemment la différence entre soldats et civils, constitutive du droit de la guerre. Du fait de son irrégularité, le partisan est particulièrement mobile (à la différence d'une armée régulière). Il peut intervenir rapidement et de façon inattendue et se retirer tout aussi vite. Il n'agit pas de façon hiérarchique et centralisée mais de façon décentralisée, en réseau. Opposé à un envahisseur, il peut être attaché à la défense d’un territoire et, dans ce cadre, intégrer les règles d’une guerre conventionnelle, acceptées par les parties en conflit.
En revanche, le partisan peut agir aussi au nom de principes idéologiques qui rendent impossible toute trêve ou traité de paix, du moment où l'opposant (ou l'ennemi) est généralement déchu de son humanité et conçu comme une réalité essentiellement négative. Dans ce contexte, il n’est plus question d’appliquer le droit mais d’engager une lutte à mort que Schmitt qualifie de « guerre totale ».
Cette transgression du droit international de la guerre peut non seulement être le fait de groupes « terroristes » mais aussi d’États exerçant un pouvoir meurtrier sur tout ou partie de leurs populations. On a souvent eu tendance à dénoncer des « guerres qui ne disaient pas leur nom » (pensons aux fameux « événements » d’Algérie), mais la priorité semble désormais de dénoncer, et prévenir, des crimes collectifs camouflés en guerres légitimes. L'article 8 des statuts de la Cour pénale internationale assimile aux crimes de guerre les violations des règles essentielles de conduite des « conflits non internationaux » (c’est-à-dire des guerres internes ou civiles), règles définies en 1977 par le protocole additionnel à la Convention de Genève). Mais le fait d’intégrer les conflits internes d’un pays dans le « droit de la guerre » suffit-il pour autant à en atténuer la violence, voire l’impunité ? Pour être qualifiés de « collatéraux » les « dommages » subis par les civils en sont-ils pour autant moins criminels ? La légitimité et la rationalité du conflit armé reste foncièrement problématique...
Membre des FFI (forces françaises en Italie) en 1944.
« Terroriste », un mot à multiples tranchants
Au lendemain des attentats américains du 11 septembre 2001 ou des attentats parisiens du 13 novembre 2015, certains hommes politiques ont pu déclarer dans les médias que leur État étaient « en guerre ». S’exprimaient-ils au sens propre ou au sens figuré ? Comme le faisait justement observer le philosophe Jacques Derrida : « L’expression “guerre contre le terrorisme” est des plus confuses, et il faut analyser la confusion et les intérêts que cet abus rhétorique prétend servir. Bush parle de “guerre”, mais il est bien incapable de déterminer l’ennemi auquel il déclare qu’il a déclaré la guerre. L’Afghanistan, sa population civile et ses armées ne sont pas les ennemis des Américains, et on n’a même jamais cessé de le répéter. […] Comme pour beaucoup de notions juridiques dont les enjeux sont très graves, ce qui reste obscur, dogmatique ou précritique dans ces concepts n’empêche pas les pouvoirs en place et dits légitimes de s’en servir quand cela leur paraît opportun. […] Au contraire, plus un concept est confus, plus il est docile à son appropriation opportuniste. C’est d’ailleurs à la suite de ces décisions précipitées, sans débat philosophique au sujet du “terrorisme international” et de sa condamnation, que l’ONU a autorisé les Etats-Unis à utiliser tous les moyens jugés opportuns et appropriés par l’administration américaine pour se protéger devant ledit “terrorisme international“. »
On oublie généralement qu'avant de désigner l' « ensemble des actes de violence qu'une organisation politique exécute dans le but de désorganiser la société existante », le mot terrorisme renvoie historiquement à la politique de terreur pratiquée pendant la Révolution française et qu'il signifie, en premier lieu, l'« emploi systématique par un gouvernement de mesures d'exception et/ou de la violence pour atteindre un but politique ». Face à cette terreur d'État, « des terroristes peuvent être loués comme des combattants de la liberté dans un contexte (par exemple dans la lutte contre l’occupant soviétique en Afghanistan) et dénoncés comme des terroristes dans un autre (souvent les mêmes combattants, avec les mêmes armes, aujourd’hui) ». Et Derrida de poursuivre : « À partir de quel moment un terrorisme cesse-t-il d’être dénoncé comme tel pour être salué comme la seule ressource d’un combat légitime ? Ou inversement ? Où faire passer la limite entre le national et l’international, la police et l’armée, l’intervention de « maintien de la paix » et la guerre, le terrorisme et la guerre, le civil et le militaire sur un territoire et dans les structures qui assurent le potentiel défensif ou offensif d’une « société » ? Je dis vaguement « société » parce qu’il y a des cas où telle entité politique, plus ou moins organique et organisée, n’est ni un Etat ni totalement an-étatique, mais virtuellement étatique… »
« L'ennemi écoute ». Affiche de propagande nazie.
« Anneau de la mémoire », monument commémoratif du centenaire de la Grande Guerre. Philippe Prost, architecte.
Commémorer : reconnaître l’humanité de son ennemi
En 1899, dans une conférence intitulée La Terre et les morts, l’écrivain français Maurice Barrès (1862-1923) entendait exhorter le sentiment patriotique de ses concitoyens en leur rappelant la honte de leur défaite et de leur inaction face à l’envahisseur allemand. Dans ce but, il évoquait le souvenir des jeunes soldats lorrains morts aux combat, mort qu’il estimait absurde tant qu’elle n’aura pas été vengée. Dans sa rhétorique revancharde, il avait cette idée terrifiante : « substituer l’idée de Patrie à celle d’humanité ». Autrement dit : considérer que les membres d’une communauté déterminée ont une valeur supérieure à celle des autres. Ou encore : placer les droits nationaux (ou communautaires) plus haut que les droits de l’Homme.
Cette logique perverse est sans doute à l’origine des pires catastrophes et traumatismes qu’a pu connaître le continent européen (génocides, pogroms, « épurations ethniques »). Les mots et les idées ont dans ce contexte une puissance insoupçonnée. Comme le rapporte l’ethnologue Fanny Arnaud à propos des conflits en ex-Yougoslavie, la « déshumanisation s’accomplit notamment au moyen de qualificatifs péjoratifs empruntés au règne animal, qui reviennent de façon récurrente dans la phraséologie nationaliste pour désigner l’autre : mouton, cafard, rat ou chien… ». Le philologue allemand Victor Klemperer, dans ses réfléxions sur la « langue du IIIe Reich », notait lui aussi : « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d'arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu'après quelques temps l'effet toxique se fait sentir ». Carl Schmitt montre que la frontière conceptuelle entre l’ennemi extérieur (hostis en latin ; l’ennemi étranger, tel que le conçoit la théorie classique de la guerre) et l’ennemi privé (inimicus en latin ; l’adversaire ou le concurrent dans la vie sociale) est fragile. D’« extérieur », l’ennemi peut tout à coup être déclaré « intérieur » comme le suggèrent certaines idéologies ultra-nationalistes. De pareilles conceptions impliquent souvent l’idée d’un « ennemi total », intrinsèquement négatif, avec lequel il n’est pas possible de négocier. Dans ce cas, seul l’éliminitation — ou, au mieux, l’expulsion — de l’autre est envisagée.
Tout cela renvoie aux épisodes les plus sombres de l’histoire européenne et pose notamment la question de savoir comment honorer la mémoire des victimes sans cultiver de haine ou de ressentiment à l’encontre des « traîtres » ou des bourreaux.
Les traumatismes multiples subis par les nations européennes interdisent toute réponse globale. Plusieurs voies sont aujourd’hui envisagées.
Sur la frange violette du prisme, on peut mentionner l’« Anneau de la mémoire » (ou Mémorial international Notre-Dame-de-Lorette), monument commémoratif du centenaire de la Grande Guerre élevé sur le site de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette à Ablain-Saint-Nazaire dans le département du Pas-de-Calais. Y figurent les 579 606 noms des soldats morts sur l’ensemble des fronts de la région, sans mention de grade et de nationalité. « D’un seul regard, on a l’incarnation de la mort de masse, mais on a aussi des individus qui ont existé ; tous ces gens avaient du talent, de l’intelligence perdus pour l’humanité. » (Yves Le Maner).
Sur la frange opposée, les monuments aux morts d’ex-Yougoslavie semblent obéir à une logique victimaire qui ne dépasse pas l’entre-soi des communautés concernées (essentiellement serbes ou croates) : « Les récits croate et serbe ont beau présenter de nombreuses similitudes, ils n’en sont pas moins fondamentalement antagonistes, ce qui est source de tensions – souvent larvées mais parfois ouvertes – entre les deux communautés, qui jugent qu’aujourd’hui justice ne leur a pas été rendue. Ce sentiment d’injustice s’exprime notamment par un vandalisme croisé à l’encontre des monuments de l’Autre ou par le boycott de ses commémorations. » (Fanny Arnaud)
Facilement récupérée par des leaders politiques peu scrupuleux, la mémoire des conflits européens demeure problématique. Elle gagnerait sans doute à une réflexion partagée sur la notion de « pardon », suivant l’exemple du processus de réconciliation accompli en Afrique du Sud à l’issue du régime d’apartheid.
Mots et idées suggérés par les participants aux ateliers
Évian : horreur ; affects ; « on en parle tout le temps » ; « on en parle jamais » ; mémoire ; crime ; rancœur ; irréparable ; séparation ; incompréhension ; antagonismes ; manipulation ; paix ; traités ; vengeance ; pardon ; pourquoi ? ; pas le choix ; unification ; folie ; religion ; politico-religieux ; économique ; migrations ; génocide ; pertes ; éternel recommencement ; fraternité ; obéir.
Montreux : charnier ; armes ; blessures ; ennemi ; réfugiés ; torture ; attaque ; conscience morale ; séquelles ; revanche ; barbarie ; résistance ; Raison d’État ; violence légale ; extermination ; exil forcé ; déchirure ; impunité ; indignité ; dictature ; Hitler ; étoile juive ; croix gammée ; discrimination ; indépendance ; liberté ; préjugé ; guerre juste ; progrès ; femmes ; courage féminin ; engagement ; victimes ; enfance sacrifiée ; victoire ; défaite.
Extraits de textes commentés TextesTraumatismesDeGuerre (66.44 Ko)
1. Carl von Clausewitz (1780-1831) De la Guerre. Livre I, chap. 1. Trad. de l’allemand par Laurent Murawiec.
2. Maurice Barrès (1862-1923), La Terre et les Morts (sur quelles réalités fonder la conscience française), La Patrie française, 1899.
Références bibliographiques
ARNAUD Fanny, « Les paysages mémoriels en Croatie après la guerre d'ex-Yougoslavie », cArgo, Revue Internationale d'Anthropologie Culturelle & Sociale, n° 6-7 / 2007. Lire en ligne : http://www.cargo.canthel.fr/wp-content/uploads/2017/12/Cargo6-7_Arnaud.pdf
CLAUSEWITZ Carl von, De la Guerre, traduit de l'allemand par Laurent Murawiec, Tempus / Perrin, Paris, 2006.
CUMIN David, « La théorie du partisan de Carl Schmitt », Stratégique, 2009/1 (N° 93-94-95-96), p. 31-71. Lire en ligne : https://www.cairn.info/revue-strategique-2009-1-page-31.htm
DERRIDA Jacques, « Qu'est-ce que le terrorisme ? », Entretien avec Giovanna Borradori paru dans Le Monde diplomatique, février 2004. Lire en ligne : http://libres-pensees.dans.le-vent.over-blog.com/2015/01/qu-est-ce-que-le-terrorisme-un-entretien-avec-jacques-derrida-sur-le-concept-du-11-septembre-2001.html
GIRARD Réné, Achever Clausewitz, Entretiens avec Benoît Chantre, Carnetsnord, Paris 2007.
KLEMPERER Victor, LTI, la langue du IIIe Reich, Agora / Pocket, Paris, 2002.
TRAVERSO Enzo, À feu et à sang. De la guerre civile européenne 1914-1945, Stock, Paris, 2007.
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Article du Dauphiné libéré, 02/03/2018
Commentaires (2)
- 1. | 19/03/2018
- 2. | 20/03/2018
La guerre est un combat entre plusieurs entités, elle est présente dans le monde entier.
Toute guerre est traumatisante.(l'Europe le sait)
Peut t on supprimer la guerre?
Je suis Energie.
Je ressens que mon Energie profonde est pacifiante
Je crois que notre Energie profonde peut atténuer l'intensité guerriére de notre monde
Le primat de la paix peut il remplacer le primat de la guerre?
L'Union Européenne me semble engagée dans cette voie
Rien n’est anodin dans ce lieu de méditation « obligée ». Que l’on trouve l’œuvre d’une beauté étrange ou d’une laideur choquante, on ne peut pas en repartir indemne, tant la « brutalité » qui en émane répond à la violence qu’elle veut dénoncer. Déjà dans son intitulé, on a refusé la langue de bois en parlant de « Juifs Assassinés » et non de Shoah ou d’Holocauste, termes presque banalisés, car « assassinés » induit la préméditation, la sauvagerie des exécutions et l’innocence des victimes, civiles et sans armes. Soit un « ennemi » ni intérieur, ni extérieur, mais inventé.
L’architecte américain Peter Eisenman, figure majeure de la « déconstruction » architecturale a voulu laisser le spectateur libre d’accorder à son œuvre sa symbolique propre, puisqu’elle est laissée à la déambulation, à la manifestation d’ émotions contradictoires, afin que chacun puisse la faire sienne sans l’inhibition du respect dû aux monuments aux morts classiques.
C’est ainsi qu’on peut voir des gens sauter de stèle en stèle et même certains pique-niquer debout à hauteur de stèle, comme dans n’importe quelle aire de jeux. Cette appropriation est si extraordinaire qu’elle dédramatise le lieu tout en lui conservant son mystère et son panache. C’est l’exemple même du pouvoir de l’œuvre qui dépasse les intentions de l’auteur, posée là dans un quartier très fréquenté, comme un monstrueux et indélébile remords, mais qui semble dire « ressentez ce que vous voulez, mais ressentez ». D’autant plus que située au cœur de la capitale, elle rappelle très logiquement que la violence émanait d’abord des gouvernants installés dans les ministères tout proches. Le mémorial aurait été incongru en pleine campagne. C’est pareil pour Vienne dont l’artiste a concentré toute la douleur et l’horreur de l’humiliation sur une simple statue de bronze représentant un vieillard juif accroupi à même le sol, brossant le trottoir, dans le quartier le plus mondain de la ville. Vision terrible.
Quand on réfléchit au travail des imaginations sollicitées, aux sommes investies, à l’énergie dépensée pour faire aboutir les projets (17 ans pour le cas de Berlin), on se pose immanquablement la question de la trajectoire de notre civilisation occidentale.
Nos lointains ancêtres nous ont laissé des pyramides, des cathédrales, des temples et des théâtres que nous avons classés au Patrimoine de l’Humanité. Pour sa part, le XXè siècle a conçu des monuments ou plutôt des « contre-monuments » qui illustrent parfaitement ce que le sociologue allemand Norbert Elias a appelé la « décivilisation », soit , pour le citer : « le grand effondrement du comportement civilisé, la grande poussée de barbarisation qui se sont produits en Allemagne sous mes yeux ».